Le latex, l’or de la forêt amazonienne
Pendant très longtemps la récolte du latex et sa transformation en caoutchouc n’était pratiquée que dans quelques communautés indiennes.
C’est en 1839 que le latex a pris une valeur commerciale, lorsque Charles Goodyear a découvert le processus de vulcanisation, lui conférant ainsi résistance et durabilité. A son tour, l’industrie automobile du début du vingtième siècle lui donne avec la fabrication des pneus un débouché industriel.
Les premiers « seringueiros », ces travailleurs qui récoltent le latex de l’hévéa, sont arrivés en Amazonie dans les années 1870. Ils furent des milliers à fuir la sècheresse du Nordeste brésilien vers l’Amazonie qu’ils croyaient être une terre inhabitée et surabondante. Mais à leur arrivée ils se confrontèrent aux populations indiennes, avec lesquelles ils entrèrent en conflit pour s’établir dans les « seringais » (hévéas). En même temps, ils furent exploités par les grands propriétaires des concessions d’hévéas qui les traitaient en esclaves, les enfermant dans un cycle infernal de dettes.
Ainsi le rêve du retour à la terre natale plus riches qu’au départ devenait une utopie, impossible à réaliser.
La grande majorité des seringueiros étaient analphabètes et ne percevaient pas la malhonnêteté de leurs patrons. Et malheur à ceux qui questionnaient la gestion des comptes. Ils étaient violemment punis et souvent même brûlés vifs recouverts de caoutchouc.
Cette période appelée « premier cycle du caoutchouc » a commencé en 1870 et s’est étendue jusqu’en 1910. Le caoutchouc, juste après le café, était devenu le second produit exporté par le pays. Les villes de Manaus et de Belém ont connu une véritable modernisation, dont témoigne la construction ostentatoire du fameux Opéra de Manaus.
Les barons du caoutchouc s’enrichissaient alors que les seringueiros s’endettaient.
La crise a suivi l’apogée. En 1875, le botaniste anglais Henry Wickman, au service de l’empire britannique, a collecté des milliers de semences dans les seringueiras du Vale do Tapajós pour les a envoyer au Jardin botanique de Londres. Les semences ont germé et furent introduites dans les colonies britanniques en Asie. Ainsi le Hevea brasiliensis se multipliait dans le sud-est asiatique, surtout en Malaisie. Ce premier cas de bio-piratage a culminé dans le déclin de l’économie du caoutchouc au Brésil, dès lors que la production du pays n’atteignait pas les quantités et les bas prix de l’Asie.
Déclin et apogée
Après quelques décennies d’ostracisme, la Seconde guerre mondiale a provoqué la revalorisation du caoutchouc natif d’Amazonie, d’autant que la domination japonaise sur les plantations asiatiques bloquait les exportations vers les alliés, leurs ennemis.
Le gouvernement des Etats Unis a mis en place un accord avec le gouvernement brésilien pour garantir l’approvisionnement en caoutchouc, produit nécessaire à leur économie.
C’est ainsi que s’initie le Second cycle du caoutchouc, qui a duré environ quatre ans, de 1942 à 1945.
La « Bataille du caoutchouc » engagée par le gouvernement brésilien a consisté à recruter des milliers d’hommes du Nordeste, surtout dans l’état du Ceara, pour travailler dans les seringais amazoniens. Les candidats qui s’inscrivaient sur les listes du Service Spécial de Mobilisation des Travailleurs pour l’Amazonie furent appelés les « Soldats du caoutchouc ».
Les travailleurs de l’Amazonie qui ont survécu, car nombreux sont morts de maladies comme la malaria, la fièvre jaune, l’hépatite, entre autres, ont fini par être emprisonnés dans le même système esclavagiste d’endettement qui avait sévit auparavant.
A la fin de la guerre, les investissements dans la production du caoutchouc furent dissipés et cette activité a décliné.
Peu à peu les seringueiros se sont unis pour combattre le régime pervers d’exploitation qui les contraignait à la misère.
Les militaires, au pouvoir à partir de 1964 se tournèrent vers e Nord du pays pour y établir leur présence, protéger les frontières, prendre les richesses et développer la région.
Les terres amazoniennes étaient occupées principalement par de grands propriétaires et de grandes entreprises qui cherchaient les bénéfices faciles et rapides.
Par exemple pour obtenir la propriété définitive de la terre, la manière la moins chère était de détruire les arbres, de brûler la terre, de semer pour planter la prairie et de mettre quelques têtes de bétail. Une fois obtenu le titre de propriété, la terre était revendue à un prix bien supérieur.
Au fur et à mesure de la construction des routes, d’autres problèmes survenaient : déforestation, invasion des terres indigènes, spéculation foncière, brûlis intenses et expulsions.
Endettés les seringueiros vendaient leurs terres aux grands propriétaires ou en étaient expulsés.
Certains d’entre eux pourtant résistèrent en s’unissant dans un mouvement pour sauver la forêt et ceux qui y vivent.
La mobilisation des soldats du caoutchouc
Dans l’état amazonien de l’Acre, avec l’appui de l’église catholique en 1975, la mobilisation va devenir une forme pacifique de résistance ; en masse les seringueiros se plaçaient sur le terrain qui allait être déboisé devant les arbres et demandaient aux promoteurs de se retirer.
L’union des peuples de la forêt
Peu de temps après la Première Rencontre nationale des seringueiros, en 1986, une commission composée de seringueiros et d’indiens s’est rendue à la capitale du pays, Brasília, pour revendiquer les droits des peuples d’Amazonie.
Ainsi va naître « l’alliance des peuples de la forêt », qui avait été conceptualisée par le seringueiro Chico Mendes violemment assassiné par les propriétaires terriens, et dont le but était de lutter en faveur de la préservation de la forêt amazonienne.
Indiens et seringueiros, qui auparavant étaient en conflit, se sont unis pour discuter et approfondir la création de réserves d’extraction en Amazonie. Ces réserves sont centrées sur l’utilisation durable des ressources naturelles.
Seul le gouvernement fédéral peut créer les réserves d’extraction. Ce sera fait à travers le programme RESEX. Avec les débats au sein des universités, instituts de recherche, organisations gouvernementales et non gouvernementales, réseaux sociaux, les seringueiros auront une plus grande visibilité nationale et même internationale. En 20 ans, de 1989 à 2009, pratiquement 50 réserves fédérales ont été créées couvrant environ 10 millions d’hectares non seulement en Amazonie mais aussi dans tout le Brésil. En Amazonie, elles manquent cependant d’infra structures (transport et santé).